Célébration de la mort de Nelson

 

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Hommage à Nelson

Parler de Nelson c'est parler d'une personne extrêmement blessée par la vie. C'est avec beaucoup de respect que j'aborde le sujet sur ce que je connais de Nelson! Sa dépendance à la drogue et à l'alcool, était-elle volontaire? Qui peut en juger?...  

Et puis, quelle était l’intériorité, le lieu, l’habitat intime de la volonté de Nelso
n de toujours vouloir consommer?...   Qui peut le savoir?

Quelle était donc l’impossibilité de Nelson de vivre sa vie, sans cette dépendance maladive à ces substances qui tuaient son identité réelle? D’où venait-elle, cette impossibilité radicale, cette incapacité de vivre sans ces éléments destructeurs? Chez Nelson, il y a longtemps qu'il ne voulait plus vivre sous la tutelle de cette réalité qui l'habitait! Mais sans eux il n’y avait plus de pouvoir vivre! Je crois que le Christ ressentait, de son lieu à Lui, tout près du Père, les  lieux de nuit de Nelson qui était prêt à tout pour se procurer la nature de sa destruction... Je crois qu’il ressentait ses prisons, qu’il ressentait le prisonnier... le prisonnier de cette mort qu’il s'était donnée depuis de nombreuses années pour combler ce vide existentiel qui prenait toute la place en son être tout entier!

La consommation à l'alcool, aux drogues et aux opiacés de toutes sortes était une violence que Nelson se faisait contre lui-même... Et contre le don de la vie...  Vie qui n’a pas été reconnue comme telle par lui.   

Le monde intérieur de Nelson était frappé d'une souffrance extrême liée à son imaginaire qui lui faisait croire qu'il n'était rien pour personne...  Et cette souffrance qui refusait de se nommer, c’était l’impression totale d’échec, c’était le couteau lacérant de la culpabilité de ne pouvoir être autre, mais c’était aussi l’indifférence à tout, et c’était aussi l’apparente insignifiance... Nelson souffrait d'un complexe d'infériorité immense, complexe d'être marqué dans sa chair par une acné meurtrière! Il refusait de se pardonner d'avoir vécu toute sa vie en étranger à lui-même, d’avoir été toute sa vie absent de lui-même, absent à son meilleur...  

Nelson vivait séparé intérieurement de ses enfants, des  membres de sa famille et de tous les autres. Il était prisonnier de lui-même, prisonnier de paroles blessantes qu'il projetaient sur les autres pour survivre à son mal de vivre et à son incapacité de s'aimer tel qu'il était! Une fois sous l'effet de ces natures destructrices et meurtrières, Nelson devenait quelqu’un d'autre...  Il devenait une image décevante de ce monde blessé par la vie. Et lui, il se mourait de ne pas se reconnaître nulle part...  Ayant «honte» en lui... Étant en révolte contre lui.
Une blessure s’est inscrite en Nelson, une blessure de rejet de lui-même. Mais pour en avoir jasé longuement avec lui, que de fois je lui disais: Nelson les voies du Seigneur sont impénétrables, Il te connaît et aujourd'hui par ce cancer qui mine ta vie et qui te fait demander l'aide médical à mourir, sache qu'avec cette mort, le Christ-Jésus peut faire la Vie...

Cette mort sera l’occasion d’une nouvelle naissance pour toi! Toujours, par ta foi, tu as été ouvert à l’amour miséricordieux du Père.
 
Est-ce que cette mort que tu t'es donnée pour vie par ces matières meurtrières t'ont conduit à ce que tu vis aujourd'hui? Peut-il sortir quelque chose de vivant de tous tes vécus douloureux?

Dans le visible tu te dis : Je m’enlève la vie à petit feu, je suis sans aucune espérance véritable!  Je lui disais crois au Dieu de l’invisible et écoute sa Voix au fond de ton cœur.  
 
Nelson espérait tuer sa blessure, son complexe indescriptible de son corps meurtri. Il espérait tuer sa mort intérieure. Éteindre ce qui semblait, depuis trop longtemps à jamais éteint. Tuer la mort qu’avait été sa vie. Tuer la mort que lui-même avait été pour lui-même...  Vaincre de façon désespérée la fermeture qu’il était pour lui-même...!

Avec violence, dans une très grande misère, il a souhaité par ce cancer, sans savoir le dire, s’arracher à sa vie qui n’avait été pour lui qu’une longue mort.

La violence que Nelson se faisait subir signifiait de façon infiniment pauvre qu’il voulait autre chose que sa dépendance maladive à la drogue et à l'alcool, qu’il aurait voulu être autre. C’est cela qu’a signifiée sa violence... et cela, même s’il en était inconscient... et cela, même s’il avait été dans l’aveuglement, particulièrement, par des événements marquants qui lui ont donné de prononcer des paroles blessantes, paroles qui tuent, des paroles qui l'ont totalement coupé des membres de sa famille et de plusieurs personnes qui l'aimaient.

Le cancer qui l'a terrassé durant de longues années a été un grand cri de désespoir. Un pourquoi infini, donné au travers d’un grand Non à la misère et au calvaire sur terre.

La plupart des humains ont pensé que c’était bel et bien foutu... ils se disaient selon ce qu’ils voyaient: « voilà ce qu’il est, pauvre lui !... »  Mais, selon cette attitude aveugle, ils auront une mémoire endurcie, trop humaine...   Et aujourd'hui ceux qui ne sont pas marqués violemment par sa perte, par son arrachement, oublieront rapidement même de faire mémoire.

 

Mort et Résurrection du Christ
 

Je crois au Don de la Vie du Christ pour nous racheter... Je crois que son Don d'Amour est l’Avenir de Nelson!

Oui, le Seigneur enlève le péché du monde! Il prend pitié  et nous donne sa paix, d'abord à Nelson, à ses enfants, à ses parents, à sa famille toute entière, ainsi qu'à tous ceux et celles qui l'aimaient.     En tant que membre de la communauté de l'humanité, nous sommes soudés jusqu’au tréfonds de notre être, soudés à Nelson et à tous les humains de la terre, selon notre condition humaine et selon les liens fraternels qui nous unissent à eux. Prions pour tous les êtres désespérés de la vie parce qu’ils sont en nous, comme nous, des victimes du péché qui se mêle à la pâte de l'Humanité du Christ, Humanité qui s’est faite Amour pour nous! Par l’abaissement de la condition divine du Christ, la grandeur de sa petitesse humaine, l’humilité de son égalité, la gratuité de son Salut et la transparence de sa miséricorde divine, croyons qu'Il pénètre tout, jusqu’au tréfonds des ténèbres de la mort et Il vient tout transfigurer. Il donne à notre humanité l’espérance réelle, la foi vivante et l’amour vrai, en faisant d’elle un seul corps, une seule personne solidaire à son image; son image oui, qui épouse toutes les conditions humaines... Et cette humanité de la terre deviendrait communion si chaque personne était consciente que chacun et chacune, sommes une seule famille, solidaire de tous les esseulés, de tous les solitaires de la terre, de tous les enfermés, de tous les disloqués par le drame du rejet, de l’enfermement, de l’isolement, de la culpabilité de ne pouvoir être autre que ce qu'ils sont! Nelson, s'il avait pu être autre il l'aurait été, car il était une superbe bonne personne! Le vécu de Nelson n’est pas insensé avec Jésus-Christ... La mort de Nelson me donne de vérifier en moi la qualité de mon amour pour lui. Aies-je un regard d'amour pour lui? Je crois possible l’ouverture toute nouvelle et toute autre d’une vie qui, tout au long de son existence, a vécu l’enfermement infernal achevé dans des souffrances indescriptibles, souffrances morales de se sentir abandonné par les membres de sa famille à cause qu'il n'avait pû être autre que l'image négative qu'il croyait être. Je crois à  l’ouverture qui paraît maintenant impossible d’une telle vie.  Je crois que Nelson est vivant, tout-petit, nouveau-né... Par notre amour, notre compassion, par notre solidarité à la tourmente de ses nuits, je crois que Nelson s’ouvre et prend vie et il reçoit enfin la Paix... Nelson n'est pas que poussière et cendre. Non, le Christ est pour lui miséricordieux! Il délie Nelson de tout ce qui l'a lié toute sa vie.

Vivre la maladie et la mort de Nelson, c’est ressentir une blessure qui s’est inscrite en tout mon être. Je crois que toutes ses souffrances et sa mort sont l’occasion d’une renaissance spirituelle pour moi! Nelson m'a permis de m'ouvrir à l’Amour du Dieu de l’impossible. La douleur cuisante de Nelson, la connaissance directe de sa désespérance que j’ai ressentie jusque dans le tréfonds de mes entrailles, pourrais-je un jour l’oublier? Pourrais-je oublier l'intime de toutes les confidences qu'il m'a faites et de tout ce que j'ai tenté de lui partager? Oublier tout ce que j’ai partagé et été avec lui ? Jamais!  C’est à jamais dans le réel de mon âme, historiquement survenu dans mon histoire.   Nelson est-il mort? Non, Nelson était mort durant toute sa vie, par ses mauvais choix et son enfermement sur lui-même! Il est et restera gravé en mon coeur! Il est celui qui demeurera, qui m’appellera pour toujours à m’engager incessamment en tous mes vécus, sur la piste à déchiffrer, le temps d’une plongée dans la lumière, pour me faire profondément attentive, dans la tourmente des nuits des mal-aimés et de tous les malheureux de la terre. Il est et restera à jamais celui qui m’invitera à être amour envers tous les blessés silencieux de la vie.
 

Jésus est venu nous enseigner de nous aimer les uns les autres...
 

Dans la personne de Nelson, dans le drame de sa consommation, il s'est donné la mort pour vie! Nelson toujours m'invitera à aimer chacun de mes frères humains mal aimés, pauvres et enfermés! Par lui, par ses souffrances qu'il a endurées silencieusement, souffrances qui ont parlé plus fort que toutes les paroles qu’il aurait pu énoncer, Nelson suscite en moi l'espérance de toujours voir en mon prochain souffrant, ma propre misère. Oui, toujours Nelson m'enseignera à m'approcher des uns et des autres, à devenir devant le Père un seul cœur avec eux... Il m'enseignera à congédier à jamais les fermetures des esprits et des cœurs, à renvoyer ces fermetures à leur Enfer pour toujours. À jamais Nelson demeurera ce don de Dieu imprévisible, cette main qui me liera à toutes les réalités humaines, qui m'enseignera que toute mort est inscrite comme Vie, éternellement dans le Cœur de Dieu!  

Nelson était lié affectivement et profondément à mon être. “Lorsqu’un membre du corps souffre, tous les autres souffrent...”   Personnellement, je n’étais pas uniquement liée à lui par la prière. J’étais liée à lui également parce que je suis un être humain...  Et je fais partie d’un seul corps d’humanité... et lorsque je suis consciente de la blessure d’un frère humain, lorsque j’en suis proche, lorsque je me fais proche de la souffrance qui est en lui et qui est en moi, je souffre l’humanité... je souffre avec l’ensemble du corps, pour la vie de ce membre en défaillance...  je souffre avec l’ensemble du corps pour l’enfantement de son âme...  

Je dirais que Nelson vient maintenant, aujourd’hui, m'embrasser, me marquer de sa figure, de son visage...   en mon cœur qui est une pâte qui accueille les marques d’affection... Et je l'accueille tel qu'il est ainsi qu’en mon corps communautaire...  

Il n’est plus là, il n’est plus visible.

Il n’est plus là, il n’est plus visible. Mais je reçois de lui aujourd’hui, une trace, un signe de Croix extrêmement singulier...  et je vis, j'actualise son visage en moi, visage d’une âme qui a été emmurée et souffrante...

Je sens que je vis, ici et maintenant, à l’égard de Nelson, un amour qui me vient directement du Christ. Je me sens être un don d’amitié spirituelle pour lui. Lui voit Dieu face à face. Moi, c’est une évidence, je ressens intérieurement sa présence vivante en moi!

J'aime me laisser ressentir la profondeur de la bonté de Nelson et je crois en ce sentiment intérieur et profond, au mouvement de mon âme qui reçoit le signe de l'esprit de Nelson qui me communique la douceur d’un Amour indicible, douceur qui me conduit sur le chemin de l’Amour divin. D’âme à âme, Nelson est maintenant dans l’Avenir qui vient vers nous, à chaque présent...  Il  est  une  pierre,  une  borne pour l’Avenir...  Faisons mémoire, de cet Avenir... Et un jour, nous nous rejoindrons pour l’éternité...  Mais déjà, voyons-le par l’âme de notre âme... voyons-le vivant en Jésus-Christ!      Nelson cerne un chemin pour une autre écoute, pour une écoute plus attentive de notre propre vie...  vie destinée au mystère sacré de l’Amour... Sa pauvreté monumentale est pour nous un signe... un signe de Croix... un signe d’Espérance. Sa pauvreté extrême est signe que “rien n’est impossible à Dieu”, même l’impossible à nos yeux...Elle est signe que, sous le rien apparent se donne la Vie même de Dieu... Même là où on pense qu’il n’y a que la mort...!

                                                                 
                                                                   
       Micheline Lemieux (Devenir en mon meilleur!)