L'alpiniste

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L'Alpiniste 

Je laisse derrière moi les chemins sinueux de ma vie, les parcours tortueux,

les ravins traversés avec peine, les escarpements dont je n’ai pu franchir la cime.

Le passé avec ces expériences  heureuses et malheureuses est derrière et devant moi;  la montagne.

Dernier trajet à  franchir avant le repos.

 

Debout devant cette montagne imposante je débute l’ascension avec très peu de chose dans mon sac à dos.

En cours de route j’ai abandonné beaucoup d’effets qui alourdissaient ma marche.

Je n’ai gardé que l’essentiel et encore c’est trop.

 

Marie qui me protège depuis mon baptême, me demande de puiser dans les eaux baptismales,

les grâces nécessaires pour pouvoir gravir avec confiance les sept paliers qui mènent à la vie éternelle.

Jésus qui m’attend avec amour va m’aider à franchir les étapes une à une et l’Esprit saint,

comme un sherpa, va m’accompagner et me supporter dans les moments difficiles.

 

«Premier Palier»

 

L’ascension commence doucement et tout va bien.

Pour ce premier palier, je dois renoncer à tous les parfums que mon nez a expérimentés sur terre.

 Ceux de mon enfance et de mes proches avec leurs essences particulières.

Le parfum de ma mère doux et chaud et celui de mon père musclé et piquant.

Renoncer à l’odeur de la nourriture qui a tant fait réagir mes papilles et me fait saliver devant une galette sortie du four.

Celui des fleurs et des petites fraises des champs.

L’odeur de la pluie fraîchement tombée sur l’herbe.

 Ayant fait le deuil du jardin des odeurs,

je me sens prête à continuer mon ascension et me rend au prochain palier.

 

 «Deuxième Palier»

 

À ce palier, je dois renoncer à tout ce qui entre dans la bouche.

Toute cette  nourriture, fruit de la terre, que j’ai dégustée avec plaisir; que ce soit salé, sucré, acide ou amer.

Tout ce qui craque sous la dent, les vins capiteux, les mélanges de substances chimiques et organiques.

 

 Ma mémoire me rappelle qu’à quelques reprises j’ai abusé de la table trop bien garnie.

Mon corps avec les mécanismes de survie qu’il possède a  rejeté l’inutile et conserver l’essentiel,

l’eau composante importante de la salive.

Prenant le bâton du pèlerin je poursuis ma montée.

 

«Troisième Palier»

 

Parvenu à ce palier, à cause de la haute altitude, mes oreilles se bouchent.

C’est l’indicateur que je dois renoncer à entendre tous les sons familiers et connus qui m’entourent.

Le chant des oiseaux moqueurs et le croassement des corneilles.

La musique dont les mélodies font vibrer mon cœur et qui parfois me transporte ailleurs.

Le son de la voix humaine, modulé aux battements de mon cœur, qui irradie tout mon être d’une chaleur intérieure.

Renoncer aux éclats de rire du petit enfant et aux gémissements du vieillard qui souffre.

 

 Maintenant que je n’entends plus rien,  je dois avancer avec prudence et me fier aux signes que mes yeux perçoivent.

Sous le regard confiant de mon sherpa, je continue.

 

«Quatrième Palier»

 

À ce stade-ci, je suis tellement haut sur la montagne, que les nuages viennent obscurcir ma vue.

J’ai les yeux ouverts et  pourtant je n’y vois presque rien.

Aveuglée par ce voile semi opaque et plongée dans une noirceur apparente, j’appelle à l’aide.

Dieu s’empresse de me répondre et me rassure en me rappelant que son Esprit m’accompagnera jusqu’à la fin.

Sa parole proclamée de l’intérieur, les battements réguliers de mon cœur,

le passage de l’air dans mes poumons  qui fait soulever ma poitrine sont maintenant les seuls signes tangibles

qui m’invitent à m’abandonner à la puissance de l’Amour qui me soutient depuis le commencement.

 

 Je continue l’ascension dans le renoncement des choses terrestres et charnelles.

Il me reste trois paliers à franchir. 

Ma foi est-elle assez forte pour me supporter?

Mon espérance est-elle à sa pleine mesure pour me faire avancer?

Mon cœur languit dans l’attente de la rencontre avec celui qui va combler mon vide.

 

«Cinquième Palier»

 

Franchir ce palier demande  beaucoup de courage

car je dois renoncer au dernier moyen de prendre contact avec le monde extérieur.

Ce deuil immense m’amène à renoncer à l’affection et à la chaleur par le toucher d’un être humain.

Ne plus ressentir la tendresse d’une main compatissante.

Ma peau, organe le plus grand du corps humain, ne sent plus  le chaud, ni le froid.

Être là immobile et lever mon regard vers la cîme.

Ne plus percevoir le poids de mon corps, légèreté de l’ange.

Lâcher prise.

 

«Sixième Palier»

 

Maintenant dépouillée de tout mes sens, je commence à entrevoir la lumière tant souhaitée.

Je ne crains rien car une main miséricordieuse est tendue.

 L’amour qui m’attire est si fort que mes doutes s’estompent.

Sur le mur de ma mémoire se déroule ma vie et je souris.

Je regarde pour la dernière fois ma poitrine se soulever et redescendre

et dans un calme empreint de douceur Mariale j’offre mon dernier souffle à Dieu.

 

«Septième Palier»

 

Mon ascension ce termine à ce dernier palier.

En communion intime avec le Père je renonce au sang qui circule dans mes veines.

Mon cœur qui a propulsé le sang des milliards de fois arrête de battre.

Mon cœur mystique va prendre sa place auprès de celui qui le premier nous aimés.

Alléluia, Alléluia, la cime, le sommet, la source.

Exaltation de l’âme qui entre dans le royaume annoncé.

Sept soleils m’entourent et m’irradient d’une lumière incandescente.

Dans un geste d’ouverture à l’amour, 

je me dégage de mon enveloppe charnelle,

comme un vêtement qu’on laisse tomber par terre.

Avec toute la volupté de l’épouse je m’approche pour revêtir le Christ qui se tenait à la droite du Père.

Plénitude immense qui s’étend à perte de vue.

Portée par des anges, ma vraie mission commence:

 celle de louer Dieu dans le Royaume éternel jusqu’à la fin des temps.

                                                                      Harpe de l'amour